Aujourd’hui, 31 mars, c’est le jour de la visibilité trans. Jour créé en miroir de la journée du souvenir trans, pour que nos communautés ne se mobilisent pas qu’autour du deuil. Qu’on parle des personnes trans en dehors des situations violentes auxquelles elles font face et qui se terminent bien souvent par la mort.
A première vue, face au nombre d’articles, d’émissions de radio, de livres, de films, d’émissions de télé, etc qui parlent des personnes trans, on pourrait se dire que cette journée n’a plus lieu d’exister. Mais tout ce qui est mis en avant, est-ce bien de la visibilité ?
La visibilité, ce n’est pas l’instrumentalisation des combats et revendications de la communauté pour créer et nourrir une panique morale. Ce n’est pas publier des centaines d’articles, de livres, de tribunes, mettre en lignes des documenteurs qui ne laissent pas la parole aux personnes trans et les accusent d’être un puissant lobby qui cherche à pervertir des enfants. Ce n’est pas non plus l’instrumentalisation de l’intersectionnalité comme on a pu le voir à travers la mise en avant de la pseudo-fragilité des personnes autistes pour justifier le même discours anti-trans qui se répète en boucle.
La visibilité, c’est au contraire questionner les pseudo-preuves mises en avant par ces « observatoires » et universitaires anti-trans, mettre en lumière les revendications des associations, de la communauté, le recul des droits, les difficultés d’accès aux démarches et d’accès au soin, les pénuries d’hormones, les situations ubuesques créées par des textes de lois qui ne prennent pas en compte nos vies…
La visibilité, ce n’est pas mettre en avant des discours et des organisations se présentant comme expertes, connues et reconnues pour leurs pratiques discriminatoires, pour leur volonté d’asseoir le contrôle du pouvoir médical sur nos vies, nos expériences, qui s’attribuent des victoires qui n’ont pas de conséquences réelles sur la vie des personnes trans et se cachent derrière un changement de nom et la présence de quelques personnes trans dans leurs instances pour légitimer ces discours.
La visibilité, c’est plutôt mettre en avant les organisations et associations trans pour leur travail au quotidien et l’expertise qui est la leur. Et c’est également, au sein d’associations ou d’espaces généralistes, la prise en compte des personnes trans et des enjeux de santé qui les concernent et leur mise en avant. C’est ce qu’a fait notamment le Planning Familial avec sa campagne de visibilisation des enjeux trans, en affirmant haut et fort son soutien envers les personnes trans, malgré les invectives reçues.
La visibilité, ce n’est pas utiliser un personnage trans comme ressort comique d’un film ou d’une série, en utilisant de surcroît un∙e acteurice cis. Ce n’est pas non plus présenter les personnes trans comme extérieures à l’humanité, quelque chose d’exotique, d’« anormal », qu’il est intéressant de regarder comme un animal de foire tant qu’on est assuré∙e qu’on est loin de tout ça quand on rentre chez soi. Ce n’est pas non plus réduire une personne trans à cette partie de son identité.
La visibilité, c’est au contraire valoriser les ouvrages et productions des personnes concernées, c’est faire des personnages qui ont une vie (et un intérêt) en dehors du fait d’être trans, c’est de mettre en avant des situations positives, de créer des représentations médiatiques respectueuses et nuancées.
La visibilité, ce n’est pas utiliser le parcours et les expériences d’une personne trans pour faire pleurer dans les chaumières, vanter son « courage ». Ce n’est pas non plus exprimer votre « admiration », commenter ses démarches, son apparence, dire que c’est « réussi », que « ça ne se voit pas », que « sa transformation est incroyable »… Nous n’existons pas pour vous servir d’inspiration, pour vous rassurer sur le fait que vous êtes quelqu’un∙e de « bien » parce que notre existence ne « vous dérange pas ».
La visibilité, ce n’est pas non plus solliciter la parole des personnes trans dans la presse ou lors de conférences uniquement pour qu’elles témoignent de leurs expériences, en laissant la parole sur les sujets de fond aux « expert∙e∙s », soit-disant plus objectif∙ve∙s car « non-concerné∙e∙s »… La visibilité, c’est au contraire valoriser le savoir expérientiel, l’expertise des militant∙e∙s et associations qui accueillent et accompagnent les personnes trans, leur entourage, se battent pour leurs droits, avec peu de moyens. Ne pas discréditer leur parole sous prétexte qu’il s’agit de militant∙e∙s, comme si se battre pour les droits des personnes trans était un défaut.
La visibilité trans n’a pas vocation à servir aux personnes cisgenres.
Elle doit bénéficier aux personnes trans et en questionnement. Pour réduire l’isolement, l’intériorisation de la stigmatisation, la honte et la culpabilité. Pour favoriser et développer l’émancipation, le sentiment d’appartenance, la capacité à se représenter l’avenir et s’y projeter. Pour ouvrir le champ des possibles, se sentir à sa place, en droit d’avoir une place…
C’est à tout cela qu’il convient de penser, lorsque l’on veut œuvrer pour améliorer la visibilité d’une population marginalisée (que l’on en fasse ou non partie). Et si on n’est pas sûr∙e de soi, si on n’est pas certain∙e que ce qu’on veut visibiliser est réellement au service des personnes concernées, le mieux est encore de poser la question aux associations, aux militant∙e∙s, en entendant les éventuels discours contradictoires (car oui, tout le monde n’est pas d’accord ^^), en évaluant les conséquences et en acceptant de se remettre en question.
Nos genres, nos corps, nos identités, nos façons de les vivre et de les exprimer sont toustes légitimes.
Belle journée de visibilité à toustes. Nous sommes là !
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