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TDoV 2020 - Pourquoi une journée de la visibilité trans ?

Le 31 mars est la journée internationale de la visibilité trans (TDoV, en anglais). Mais ça signifie quoi, en fait, et pourquoi célébrer ou prôner la visibilité des personnes transgenres ? Ne cherche-t-on pas plutôt à être « invisibles » dans la société ? Ne revendiquons-nous pas le « droit à l’indifférence » ?


La notion de visibilité peut susciter quelques interrogations et confusions. Nous proposons donc de clarifier un peu tout ça. Tout d’abord, avant de définir ce qu’est la visibilité, en quoi cette journée est importante et à quoi elle sert, commençons par définir ce que n’est pas « la visibilité trans ».

Célébrer la visibilité trans, ce n’est pas :

Une injonction au coming-out (annoncer qu’on est trans) : chacun-e est libre de faire ou non un coming-out, si iel veut, quand iel veut et à qui iel veut.

Un appel à l’outing (annoncer la transitude d’une personne à sa place, sans son consentement) : il ne faut en aucun cas outer quelqu’un-e : c’est une décision qui lui appartient, cela peut læ mettre en danger (de subir des discriminations, des violences physiques et/ou psychologiques etc). En plus une personne qui est out dans un lieu ou une circonstance donnée ne souhaite pas nécessairement l’être dans TOUS les lieux ni TOUTES les circonstances.

Clamer sur tous les toits qu’on est trans : chacun-e est bien sûr libre de le clamer ou non, d’en être fier-e ou pas, de le revendiquer ou bien de le garder pour soi.


Imposer à autrui le partage d’une information non sollicitée : ce n’est pas une démarche égocentrique de « hé ho j’existe, admirez-moi » ni une « violence » que l’on imposerait à autrui. Si ça vous pose problème que quelqu’un-e vous dise qu’iel est trans ou que les personnes trans existent, la question est plutôt de savoir en quoi et pourquoi cela peut vous déranger qu’on vous énonce un fait qui ne vous concerne de toute façon pas personnellement…

Mais alors, ça consiste en quoi ?! Et surtout : ça sert à quoi ?

Pour comprendre la visibilité et sa nécessité, il faut déjà prendre conscience d’une chose : l’invisibilité généralisée des personnes trans dans notre société.

« Quoi ? Vous pensez être invisibles ? Mais il ne se passe pas un mois sans qu’on voit un reportage sur W9 ! Sans une émission de Sophie Davant sur la 2 ! Sans un article sur tel-le célébrité qui annonce être trans ! »

Ha ha. Oui, ça, c’est de la médiatisation. Pas réellement de la visibilité. Là on peut percevoir le levage de sourcil perplexe. Bon, c’est plus compliqué que ça.


Nous sommes encore largement invisibles car dès la naissance, on part du principe qu’on peut connaître le genre d’un enfant rien qu’en regardant entre ses jambes. Pourquoi ? Parce qu’on considère que tout être humain est, par défaut, cisgenre. Pour info, on fait la même chose lorsque l’on part du principe qu’un-e enfant serait par défaut hétéro (« ho regardez-les qui se tiennent la main, les amoureux, on va les marier ! ») alors que dans le même temps, un-e enfant qui annoncerait être amoureu-se-x d’un-e enfant du même genre aurait droit à un « tu es trop jeune pour savoir ça ! ».

De fait, si un-e enfant indique être d’un autre genre que celui qu’on lui a assigné à la naissance, iel s’entendra répondre qu’iel est « trop jeune pour savoir », alors que personne ne considérerait ce-tte même enfant comme « trop jeune pour savoir » s’iel indiquait être du même genre que celui qu’on lui a assigné…

Nous sommes également invisibles dans les enquêtes de santé, les campagnes de prévention etc. Parce qu’il est toujours supposé qu’à tel genre sont associés tels types d’organes génitaux, de chromosomes, d’hormones, de maladies etc. Et cette invisibilisation joue directement sur notre accès à la santé…

Nous sommes d’ailleurs aussi invisibles lors des études en médecine où, lorsque l’on évoque notre existence, c’est encore sous un angle pathologisant et psychiatrisant (= considérer qu’être trans est une maladie / un trouble psychique)...

Nous sommes invisibles dans le sport, au même titre que les personnes intersexes, car souvent contraint-e-s à abandonner les compétitions sportives qui refusent encore largement les personnes trans et intersexes et ce, pour des raisons infondées (prétendu « avantage physique » des femmes trans, ou lié aux taux hormonaux etc)

Nous sommes encore trop invisibles dans le milieu académique. D’une part car l’accès aux études supérieures peut être compliqué (le décrochage scolaire lié à la transphobie est une réalité), et d’autre part car la parole des personnes concernées est d’emblée dévalorisée et perçue comme non objective (avec cette croyance qu’une personne non-concernée serait quant à elle objective et capable de faire abstraction de ses représentations – et son ignorance – de personne cisgenre lorsqu’elle parle de nous!).

Il n’y a qu’à voir l’auteur français le plus prolixe en sociologie sur la transitude… qui est un homme cisgenre tenant encore des propos plus que limites et mélangeant orientation sexuelle et transitude...

Nous sommes invisible dans le cinéma, les rares personnages trans étant à 99 % interprétés par des act-eur-rice-s cisgenres, ce qui ne laisse guère d’emploi pour les act-eur-rice-s trans (pourtant là, et talentueu-ses-x!).

Ne parlons même pas de la représentation dans la politique, et dans l’Histoire (y compris celle de la communauté LGBT).

Oh et si, parlons-en, du fait d’avoir exclu sciemment les hommes transgenres du projet de loi de bioéthique sur la PMA, sous prétexte que cette loi concernait « les femmes »… Super pour les hommes trans qui, s’ils ne sont enfin plus stérilisés de force pour obtenir leur changement d’état civil, se voient désormais stérilisés de droit car on refuse à ceux qui le souhaiteraient les enfants qu’iels pourraient porter via PMA...

Or cette invisibilisation a des conséquences concrètes sur nos vies :

  • sur notre santé

  • sur notre estime de soi et capacité à se projeter (quasi pas de rolemodels, de personnages auxquels s’identifier, les rares personnes trans dans les films étant soit des serial killer, soit des victimes, soit des travailleu-r-se-s du sexe, soit des ressorts comiques (objets de moquerie), soit des gens de toute façon malheureux qui finissent par se suicider avant la fin du film... )

  • sur la transphobie : la médiatisation reflétant une vision cisgenre des personnes trans, encore très souvent orientée sur la souffrance, le misérabilisme/pathos, le sensationnel, le corps…, elle ne permet pas de démystifier la transitude auprès des personnes cisgenres…


La visibilité est donc importante et à célébrer : pour que nous soyons nous-mêmes act-eur-rice-s de notre visibilité, pour que nous ne soyons plus systématiquement oublié-e-s, pour que notre existence soit enfin et systématiquement prise en compte dans tous les domaines de la vie, pour que le grand public prenne conscience que nous ne nous réduisons pas à ciels d’entre nous que vous croyez « détecter », pour que recule la méconnaissance, les fantasmes et donc la transphobie, pour que nous célébrions notre diversité, et aussi notre droit à être visibles individuellement, si nous le souhaitons, sans avoir à se cacher, sans avoir honte, sans avoir peur…


Donc oui, la visibilité trans est importante. Elle est fondamentale, même. Et nous continuerons de la célébrer autant qu’il le faudra, jusqu’au jour où il n’y aura plus un jour de la visibilité trans. Mais 365.

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