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Débats sur nos vies & désinformation : notre réaction

En l’espace de quelques jours, deux « débats » ont été diffusés à la télévision à des heures de grande écoute.

Le premier à la suite du reportage de M6 (« trans, uniques en leur genre », niveau originalité de titre on repassera) qui s’intitulait « enfants trans, que faire ? » et le second sur France 2 à la fin de l’émission « quelle époque ».

Les deux débats abordaient le sujet de la transitude et les deux donnaient la parole à des TERFs (ou « critiques du genre »), autrement dit à des femmes se revendiquant du féminisme et qui rejettent en bloc l’existence des personnes trans.


Nous souhaitons réagir car il est réellement inacceptable d’organiser de tels débats qui n’ont d’autre but que de faire de l’audience au détriment des personnes trans.


Soyons clair-e-s : nous n’avons rien en soi contre le débat. On vous prend quand vous voulez sur « chocolatine vs pain au chocolat », et on est grave chaud-e-s pour se risquer avec le « Nantes est-elle une ville bretonne ou pas ?! ».


Mais juste : on ne débat pas sur notre existence, sur notre genre, sur la réalité de nos identités.


En tant qu’animatrice TV / journaliste, on ne regarde pas la haine se déverser sur une population discriminée en commentant « je vois que le débat est difficile, je pensais que ce débat serait constructif ».

Comment peut-on avoir l’inconscience de croire qu’il pourrait être constructif d’inviter une personne qui nie jusqu’à l’existence même de la personne en face ? Qui nie son genre, qui ne lui manifeste pas le moindre respect de base. Comment peut-on même croire qu’il y aurait matière à débat, lorsque l’idée c’est de mettre en face d’une femme trans une femme cis qui considère que la transitude n’existe pas, que c’est au mieux une croyance et au pire une stratégie de prédation envers les femmes cis…


Aussi, quand on veut engager la conversation sur une affiche du Planning Familial qui présente un homme trans enceint, à un moment ça pourrait être intéressant de laisser parler les personnes concernées (= les hommes trans et/ou les personnes transmasculines) et de ne pas systématiquement y trouver un prétexte pour remettre en cause l’existence des femmes trans et propager les sempiternels préjugés transmysogynes de prédation etc.


Nous condamnons par ailleurs fermement le détournement de vocabulaire communautaire à des fins transphobes, lorsque l’invitée de Fce2 décide de qualifier les hommes trans de « femmes transmasculines » et les femmes trans d’« hommes transféminins ».

Elle démontre bien par là sa totale incompréhension de ce qu’est le genre et ce que signifie être trans. On la refait en mode « la transitude pour les nul-le-s » : Être trans, c’est être d’un genre différent de celui qui nous a été assigné à la naissance. C’est tout. Oui, vraiment.

Avoir des goûts vestimentaires, des hobbies etc attribués culturellement à tel ou tel genre, ne définie en rien le genre de quelqu’un-e. Donc non, être une femme trans, ce n’est pas « être un mec qui correspond aux stéréotypes de genre féminins ».

Être une femme trans c’est être une femme. Qui peut comme n’importe quelle femme correspondre + ou - aux stéréotypes de genres dits féminins. Et réciproquement.



Le reportage de M6 quant à lui est particulièrement atterrant, d’un niveau qui nous renvoie aux reportages d’il y a 15-20 ans… Nous passerons donc sur les horreurs proférées, le mégenrage insistant, l’infantilisation, les insultes, la dramatisation, les « reconstitutions » extrêmement malsaines (où des personnes cis travesties interprètent des personnes trans…) et les malaisantes scènes de nus (que serait un reportage sur les personnes trans si on ne les voyait pas un minimum à poils?!).

Outre cet immondice, nous souhaitionsrevenir ici sur la désinformation du reportage M6 pour rectifier quelques éléments (liste probablement pas exhaustive, mais vous nous excuserez de ne pas vouloir nous infliger un revisionnage) :


- Un coming-out (qu’il soit trans ou autre) ne provoque pas de stress post-traumatique et ne peut être tenu responsable de déclencher un syndrome de Gilles de la Tourette…


- Il est totalement faux et mensonger d’avancer que les démarches médicales en dehors des équipes de type SoFECT/TransSantéFrance ne seraient pas rembourséEs, ni qu’aucun remboursement ne serait possible sans ALD. Tout rendez-vous chez un spécialiste est pris en charge s’il s’inscrit dans un parcours coordonné (= avoir un mot d’orientation par son médecin traitant). Sauf les psychiatres, pour lesquel-le-s aucune orientation par læ médecin traitant n’est nécessaire. Les hormones sont également prises en charge à 100 %, de même que certaines chirurgies effectuées en hôpital public (même hors équipes).


- Il est également totalement faux et mensonger d’affirmer que faire une phalloplastie rend tout plaisir érogène impossible. Tenter de décourager un patient en lui mentant sur les conséquences d’une éventuelle chirurgie (en l’occurrence ici génitale) est un procédé abject et non conforme avec l’obligation d’information qui échoit aux médecins… Si un-e chirurgien-ne vous dit ça : fuyez. Les techniques actuelles permettent de connecter les nerfs du gland au néopénis, permettant ainsi de retrouver des sensations érogènes après une phase de convalescence. Les complications arrivent et il convient de bien s’informer en amont, mais affirmer que c’est impossible lorsqu’on est chirurgien-ne est une faute professionnelle.


- Un binder n’est pas censé faire mal ou empêcher de respirer : si c’est le cas, cela signifie qu’il est soit trop petit, soit mal positionné. Un binder est le moyen le plus sûr pour la santé de compresser le torse, lorsqu’il est utilisé correctement, contrairement aux bandes par exemple. Il convient évidemment de prendre ses précautions en cas de difficultés respiratoires préexistantes (asthme, maladies pulmonaires, Covid avec symptômes respiratoires…) et d’éviter de faire du sport avec un binder très serré.


- Concernant les audiences de CEC : les juges et procureurs n’ont pas à interroger sur le parcours de transition de la personne, ni à enquêter sur sa transitude. Leur rôle est d’estimer si la personne justifie bien de l’usage de son genre (et le cas échéant de son prénom) au quotidien. Point.


- Les personnes trans sont systématiquement dépeintes dans le reportage comme égocentriques et égoïstes. Ce sont là aussi des préjugés extrêmement nocifs et répandus envers les personnes trans, qui contribuent grandement à générer de la culpabilité, un sentiment d’illégitimité, la haine de soi (on se croit responsable des réactions négatives de notre entourage, des éventuels divorces, ruptures familiales etc…), voire le suicide. Cela conduit un grand nombre de personnes à renoncer à exprimer et vivre leur genre, par peur des répercussions sur leur entourage.

Être soi n’est pas être égoïste. Et la transphobie n’est pas de la responsabilité des personnes trans.


- Enfin, le reportage conclut sur le fait que le monde a besoin de davantage de « tolérance ». Soyons clair-e-s : la tolérance n’a rien de positif. La tolérance, c’est se résoudre à supporter ce que l’on ne supporte pas, ce que l’on trouve dérangeant.

On tolère que le métro pue la pisse. On tolère les oignons crus dans les burgers. On tolère Karine Lemarchand sur M6.

Encourager à nous tolérer, nous personnes trans, c’est admettre que nous dérangeons, que nous sommes indésirables dans le paysage, mais que bon, à défaut de pouvoir ouvertement nous éliminer (encore que certain-e-s ne s’en privent pas), on devrait nous « tolérer ».


La tolérance n’est pas un projet de société. La prise en compte des minorités (= la base), le respect inconditionnel envers elles et leur célébration, ça c’est un projet de société.






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